La Cappella musicale della Cattedrale di Malta nel XVII e XVIII secolo
Thèse de Doctorat, U.F.R. de Musique et Musicologie, Université de Paris IV-Sorbonne, 1998
Studente: Franco Bruni
Relatori: Prof. Louis Jambou, Abraham Borg
Votazione: mention très honorable et felicitation du jury
Introduction
Les collections musicales et la documentation d'archives conservées près
du Musée de la Cathédrale de Mdina à Malte ont constitué le sujet de
cette étude concernant l'histoire de la chapelle de la Cathédrale de
Malte à partir de sa constitution jusqu'au 18ème siècle. Malgré la
richesse de ces archives qui comprennent de nombreux exemplaires uniques
italiens, tant imprimés que manuscrits, ce fond n'a pas reçu
jusqu'aujourd'hui l'attention qu'il mérite. Le but principal de ce
travail a été donc la reconstruction de la vie de cette institution
musicale, ses protagonistes, son répertoire et ses cérémonials.
La recherche basée sur la lecture de la documentation d'archives à
partir du 16ème siècle jusqu'au 18ème a été menée principalement sur les
comptes rendus des chapitres et sur les mandats de payement. En outre,
plusieurs sources documentaires constituées par des chroniques, des
reportages, des cérémonials ont été examinées afin d'amplifier les
connaissances sur les activités de la chapelle musicale surtout en ce
qui concerne les rapports entre liturgie et musique.
Le XVIème et XVIIème siècle
Avant la constitution de la chapelle, on rencontre quelques témoignages
de pratique musicale à partir du 15ème siècle concernant l'activité tant
des organistes que des organiers et aussi des maîtres de chant. Au
15ème comme au 16ème siècle on se réfère aux maîtres de chant sans
spécifier s'il s'agit du chant figuré ou de plain-chant. De toute façon
le manque de toute source polyphonique et l'emploi du terme chant
"fermo" à partir du 16ème siècle laisse des gros doutes sur l'éventuelle
présence d'une pratique polyphonique. Il faut attendre 1573 lorsqu'on
décida d'employer le maître italien Giulio Scala (à cette époque actif
en Sicile) pour l'enseignement du chant figuré. On arriva à cette
décision aussi grâce à l'influence constituée par la présence de l'Ordre
des chevaliers de Saint Jean, établi sur l'île depuis 1529. On a
vérifié que des cérémonials comprenant des activités musicales avec voix
et instruments étaient déjà pratiqués par l'Ordre à partir de 1530. Ces
pratiques probablement influencèrent le choix du Chapitre d'introduire
aussi le chant figuré à la cathédrale.
Après 1573, la visite du délégué apostolique Pietro Dusina en 1574 et,
plus tard, la visite pastorale de l'évêque Baldassarre Cagliares en 1619
ouvrirent la voie à la constitution d'une chapelle musicale. En 1619
l'évêque obtint l'autorisation de la Sainte Congrégation de Rites de
Rome de dépenser 1000 écus par an pour les activités musicales. Cet
événement fut décisif pour la stabilisation d'une chapelle musicale. La
date de la fondation de la chapelle peut sembler assez tardive mais il
faut considérer que plusieurs chapelles liées aux cathédrales des villes
siciliennes furent aussi fondées tardivement entre le dernier quart du
16ème et le début du siècle suivant.
À partir de 1624 les documents administratifs commencent à enregistrer
la présence d'un maître, d'un organiste et de 8 autres salariés dont la
qualification n'est presque jamais spécifiée. À travers des
supplications jointes aux comptes rendus des chapitres il est, quand
même, possible d'établir la présence d'instrumentistes de cornet,
trombone, rebec, basse de viole et violon. La combinaison de ces
instruments avec les voix était en outre très commune à l'époque. En
comparant cet ensemble avec les ensembles employés dans les chapelles
musicales actives en Sicile au 17ème siècle (i.e. Caltagirone, Piazza
Armerina, Catania, Messina), il est évident qu'une forte similitude
existe entre l'ensemble maltais et ceux de Sicile. Ce fait témoigne
d'une proximité culturelle entre Malte et la Sicile grâce aussi aux
nombreux liens culturels et économiques entretenus entre les deux îles.
La présence au 17ème siècle d'organiers, de maîtres et de musiciens
siciliens dont quelques unes de leurs oeuvres sont conservées uniquement
à Malte caractérise profondément la vie musicale du siècle. Les
représentants de l'"école polyphonique sicilienne comme don Andrea
Rinaldi, actif à Palerme puis à la cathédrale de Malte et par la suite à
Caltagirone (Sicile) représentent un cas emblématique. Pendant le 17ème
siècle il y eut des rapport privilégiés entre la chapelle maltaise et
celle du dôme de Caltagirone (Val di Noto, Sicile) avec un fréquent
échange de maîtres et de musiciens.
Dès premières années l'activité de la chapelle est attestée. Les
premières exécutions polychorales datent de 1622 lorsque le maître
Francesco Fontana dirigea des pièces pour trois choeurs à l'occasion de
la fête patronale des Saints Apôtres (29 juin). La présence de Fontana
est aussi liée à l'achat d'instruments à archet de Venise qui s'ajoutent
à l'ensemble de la chapelle.
Au 17ème siècle si la musique polychorale était particulièrement
associée aux occasions solennelles, la pratique quotidienne était au
contraire caractérisée par l'emploi des voix accompagnées à l'orgue. La
présence d'instruments concertants, principalement des violons, avec les
voix caractérisait surtout la liturgie des vêpres. La présence de
motets et psaumes en style "concertato" pour petit ensemble et
instruments est assez bien documentée dans les archives musicales.
La plupart des musiques du 17ème siècle qui nous sont parvenues
reflètent profondément la pluralité des styles qui caractérisent cette
époque. Ces musiques sont de provenance sicilienne, romaine et
vénitienne. Plus de deux cents manuscrits anonymes conservés sont
assimilables aux tendances stylistiques typiques de l'époque. La
collection des imprimés - tous datés au 17ème siècle, à part les "Messe
d'intavolatura" par Claudio Merulo (1569) - confirme aussi cette
préférence pour le répertoire romain, vénitien et sicilien. Concernant
le sources vénitiennes, il faut aussi noter la présence de plusieurs
recueils de Claudio Monterverdi ("Selva Morale et Spirituale", "Messa et
Salmi"); un manuscrit du même auteur contenant le contrafactum
spirituel du madrigal "Belle chiome porporine" du 7ème livre de
madrigaux y figure également.
Le XVIIIème siècle
La destruction de la cathédrale causée par le tremblement de terre de
1693 représenta l'événement naturel qui divise en deux phases l'histoire
de la chapelle musicale. Une des conséquences fut l'interruption des
activités liturgiques et successivement le déplacement de celles-ci
dans les autres églises de la ville de Mdina. La documentation
concernant ces années, bien qu'elle soit pleine de lacunes, témoigne
d'une activité musicale dans le monastère de S. Pierre à Mdina.
La pratique musicale pendant la période qui suit immédiatement le
tremblement fut probablement limitée, peut être arrêtée. A cause de
plusieurs problèmes économiques, le Chapitre décida aussi de réduire
l'ensemble à un seul choeur vocal. En licenciant trois voix et la basse
de viole, la présence fut limitée de 12 à 9 salariés.
Avec la fin des travaux de reconstruction de la nouvelle cathédrale
baroque par Lorenzo Gafà, en 1703, la chapelle musicale reprendra ses
activités normales. La création d'un nouvel espace sonore ne fut pas
sans conséquences pour la réorganisation des activités musicales.
Pendant ce siècle on assiste à la graduelle introduction des instruments
à vent (hautbois, trompettes, cors de chasse) en conformité avec les
nouvelles tendances musicales européennes. L'ensemble totalise bientôt
les 13 salariés.
Si le siècle précédent avait été caractérisé par une forte présence de
maîtres et instrumentistes siciliens, durant le 18ème ce furent presque
exclusivement des maltais qui dirigèrent la chapelle. Il n'était pas
rare de trouver des cas comme ceux des maîtres Pietro Gristi, Benigno
Zerafa et Francesco Azopardi qui étaient sponsorisés par la cathédrale
afin de compléter leurs études musicales dans les conservatoires
napolitains.
Les années 1744-1780, caractérisées par la présence de don Benigno
Zerafa à la direction de la chapelle furent particulièrement importantes
pour son développement musical. Vers 1755, sous sa suggestion, le
Chapitre autorisa l'achat de deux cors de chasse en Allemagne et de deux
hautbois à Naples afin de réaliser "un parfait choeur de musique".
Cinq ans plus tard, en 1760, les chanoines de la Cathédrale décidèrent
de réorganiser les activités de la chapelle. Le manque jusqu'à cette
date-là d'un "plan de musique" spécifique sur les interventions de la
chapelle pendant l'année liturgique avait été en fait une des causes
principales de gaspillage économique, surtout à l'occasion des services
de renforts musicaux pour les fêtes solennelles. Le nouveau "plan",
confié à deux députés fut approuvé par le Chapitre sans réserves. La
nouveauté principale de ce plan fut la création de deux chapelles: une
chapelle "ordinaire" employée quotidiennement et composée du maître, de
l'organiste, de deux basses, d'un soprano supplémentaire, de deux ténors
secondaires, de deux voix d'enfant et enfin une chapelle
"extraordinaire" qui se joignait à la première pendant les fêtes
solennelles et les dimanches, composée d'un castrat napolitain, du
premier ténor, de deux violons, d'un violoncelle, d'une contrebasse, de
deux cors de chasse, de deux hautbois et d'un violoniste. Dans le plan
on établit les principaux devoirs des salariés de la chapelle à travers
lesquels il est possible de comprendre exactement la typologie de
l'ensemble choisi pendant les différents moments liturgiques.
Avec l'approbation de ce plan la chapelle vit augmenter rapidement le
nombre de ses salariés jusqu'à 18 musiciens. Dans la seconde moitié du
18ème siècle, la chapelle, grâce au nouvel ensemble et à la présence de
deux maîtres Benigno Zerafa et Francesco Azopardi atteint son "âge
d'or", attesté par la riche collection de partitions autographes des
mêmes compositeurs.
A la fin du siècle, en 1798, l'occupation de l'île par les troupes
françaises, l'expulsion de l'Ordre de S. Jean, l'imposition de
nouvelles mesures de gouvernement et d'administration, particulièrement
négatives pour l'église, créèrent plusieurs problèmes à la Cathédrale.
L'épisode le plus choquant au sujet de la Cathédrale fut sûrement son
union administrative avec l'église de Saint Jean (alias église
conventuelle de l'Ordre). En conséquence, le Chapitre fut chargé par
l'évêque de la réorganisation générale des activités liturgiques et
musicales. Ce fut seulement pendant les années '20 du 19ème siècle qu'on
créa enfin une chapelle musicale séparée pour S. Jean, dirigée, quand
même, par le même maître de chapelle de la cathédrale.
Au 18ème siècle, les contacts avec l'ambiance napolitaine furent
fondamentaux pour le développement musical de la chapelle. A cette
époque Naples était devenue le référent idéal pour le recrutement aussi
bien des solistes castrats que des organiers pour la construction des
orgues de la Cathédrale de Malte. La présence de solistes se reflète
bien dans le choix stylistique des compositeurs qui furent en contact
direct avec Naples. L'introduction des instruments à vent et la
disponibilité d'un ensemble vocal plus vaste favorisa en fait la
création de grandes oeuvres vocales-instrumentales avec l'épuisement à
coté du double choeur des chanteurs et instruments solistes.
Le répertoire musical
La comparaison entre le répertoire de la chapelle, la liturgie et les
cérémonials célébrés à la cathédrale permet de vérifier d'autres
parallélismes avec la scène musicale italienne. Au 17ème siècle la
présence de plusieurs styles musicaux reflète sûrement une époque
caractérisée par l'expérimentation de nouvelles formes d'expression. La
documentation disponible et les sources musicales parvenues nous
indiquent la destination liturgique de ces musiques. Le moyen polychoral
était généralement employé pour les fêtes solennelles, surtout celles
de Saint Paul tandis que le style "concertato" pour petit ensemble était
privilégié pendant la liturgie des vêpres. Le style "a cappella" est
peu représenté pendant le 17ème siècle; son emploi regardait
principalement les périodes liturgiques qui ne permettaient pas la
présence d'instruments comme le troisième dimanche d'Avent et la semaine
sainte.
Au 18ème siècle le développement progressif de la chapelle et l'emploi
constant des instruments à vent et de solistes castrats caractérisent le
nouveau répertoire. Dans les compositions de Zerafa et Azopardi, les
deux maîtres les plus significatifs du siècle, le langage théâtrale est
évidente, appris pendant leur séjour napolitain. Leur musiques, qui
reflètent bien la mutation des goûts musicaux prévoient des grands
ensembles instrumentaux.
Liturgie et cérémonial
La messe et les vêpres sont les moments liturgiques auxquels on donne le
plus d'importance du point de vue musical tandis que les musiques pour
voix et accompagnement d'orgue étaient préférées pour les parties du
Proprium de la messe.
La documentation concernant la description des cérémonials est
particulièrement riche pour le 18ème siècle. Les cérémonies pour la
"possession" de Mdina par l'Evêque où le Grand Maître (chef de l'Ordre
de S. Jean) étaient organisées selon des modèles bien connus dans le
monde catholique. Cette possession, par exemple, suivait celle organisée
à Rome pour la prise de possession de la ville par le Pape. Processions
solennelles, construction d'arcs de triomphe éphémères, le chant du "Te
Deum" par les musiciens de la chapelle accompagnaient toujours ce type
de cérémonies. Les élections de nouveaux papes et rois, les événements
politiques importants représentaient, un prétexte pour des célébrations
en grande pompe avec l'intervention d'une musique composée pour
l'occasion. D'habitude la chapelle musicale, durant ces occasions
solennelles, était renforcée par des instrumentistes et chanteurs
externes, appartenant aux autres institutions musicales de l'île. Dans
ces cas-là ce fut avec la chapelle musicale de l'Ordre de S. Jean à la
Valette que la Cathédrale eut des fréquents échanges de musiciens comme
le prouvent de nombreux mandats de payement pour ces fêtes solennelles.
Conclusion
En guise de conclusion, il faut donc remarquer l'importance constituée par l'influence culturelle européenne, en particulier italienne, grâce aussi à l'Ordre de S. Jean dont la présence sur l'île représenta sans doute la prémisse nécessaire pour le développement musical à Malte. La graduelle organisation de la chapelle musicale amena la création d'un répertoire et des activités musicales qui trouvent de fortes similitudes avec les régions méditerranéennes, en particulier la Sicile avec laquelle la Cathédrale de Malte entretint des relations tout à fait privilégiées. C'est dans cette perspective culturelle qu'il faut enfin considérer l'histoire musicale maltaise afin de lui donner une correcte évaluation historique.
Résumé
Cette étude concerne l'histoire de la chapelle de la Cathédrale de
Malte à partir de sa constitution au début du 17ème siècle, jusqu'au
18ème siècle. Bien que le chant figuré ait été introduit en 1573 avec le
maître italien Giulio Scala, c'est seulement vers le début des années
'20 du 17ème siècle, après la visite pastorale de l'évêque Baldassarre
Cagliares, qu'on décida d'établir la somme de 1000 écus par an pour la
constitution d'une chapelle musicale. Déjà à partir des premières
années, les activités de la chapelle sont bien attestées: de la musique
pour trois choeurs à la pratique quotidienne caractérisée par l'emploi
des voix accompagnées à l'orgue. Le 17ème siècle se caractérise aussi
par la forte présence d'organiers, maîtres et musiciens siciliens dont
quelques unes de leurs oeuvres sont conservées uniquement à Malte. La
comparaison entre la chapelle maltaise et les villes les plus
importantes de la Sicile montre en outre plusieurs similitudes, étant
donné le même substrat culturel.
La destruction de la cathédrale causée par le tremblement de terre de
1693 provoqua la réduction de l'ensemble à un seul choeur vocal. Avec la
reconstruction de la cathédrale en 1702, la chapelle reprendra ses
activités normales. Graduellement on introduisit les instruments à vent
(hautbois, trompettes, cors de chasse) en conformité avec les nouvelles
tendances musicales européennes. Si le siècle précédent était
caractérisé par la présences de siciliens, pendant le 18ème sont des
maltais à la direction de la chapelle. Ces maîtres étaient généralement
sponsorisés par la cathédrale pour compléter leurs études musicales dans
les conservatoires de Naples. Les contacts avec l'ambiance napolitaine
furent fondamentaux pour le développement musical de la chapelle. Au
18ème siècle Naples représentait le référent idéal pour le recrutement
aussi bien des solistes castrats que des organiers pour les orgues de la
cathédrale de Malte
Abstract
This study traces the history of the musical chapel of the Cathedral of
Malta from its constitution to the 18th century. Although polyphonic
chant was introduced in 1573 with the employment of the Italian Giulio
Scala, it is only around 1620, following the pastoral visit of the
bishop Baldassarre Cagliares that the sum of 1000 scudi was approved for
the constitution of a musical chapel. These first years of the musical
chapel bear witness of its activities: from solemn polychoral music to
daily practice for voices and organ. The 17th century was deeply
influenced by the presence of Sicilian organ builders, maestros and
instrumentalists some of whose music is today still preserved as
"unique" copy in Malta. Furthermore, strong similarities can be
ascertained between this chapel and other important Sicilian chapels,
both belonging to a similar cultural area.
The destruction of the Cathedral after the earthquake of 1693 caused the
reduction of chapel staff. After its reconstruction in 1702, the
musical activities resumed to a normal routine. The chapel gradually
started to develop the wind section (horns, oboes, trumpets) following
the new musical trends. In contrast to the 17th century where the
Sicilian presence was very strong, the 18th century is dominated by
Maltese maestros who were usually sent by the Cathedral to Neapolitan
conservatories to further their musical studies. Among these, maestro
don Benigno Zerafa and organist Francesco Azopardi had a fundamental
role in the development of the chapel as well as the repertoire. During
the 18th century Naples had also been chosen as the most important place
to recruit Italian singers as well as organ builders. These continuous
exchanges between Malta and Naples influenced deeply the development of
the musical chapel through an enlargement of the instrumental and vocal
ensemble as well as the musical style.
- La tesi è stata pubblicata nel 2001 dalla Malta University Press.